NAGE AVEC PALMES
Pédagogie traditionnelle ou active ?
Entraineurs d’aujourd’hui nous cherchons à faire reproduire ce que nous voyons des nageurs que nous croyons être les plus performants. Nous en déduisons donc que ce sont des mouvements qui font l’efficacité de la nage.
Nous ne faisons que du « copier/coller » seulement nous oublions que l’être humain est un peu plus complexe qu’une page dans Word.
En limitant la technique à ces mouvements nous nous basons sur la seule partie, visible, des actions engagées et oublions ainsi l’essentiel : le but à atteindre !
Je vous propose donc de vous poser la question :
« qu’est-ce qui fait que ce nageur agit de cette façon ? ».
De vous interroger sur le sens, plutôt que sur la forme visuelle.
A quelles difficultés rencontrées ces actes répondent-ils ?
L’important n’est pas la réponse mais l’interrogation, et le chemin à découvrir qui en découle.
Je vous propose de voir comment la natation française (qui a connue tout de même de beaux résultats) c’est posée ces questions à travers la pédagogie active.
Pédagogie active
L’entraineur cherche à découvrir ce qu’induit le fait de se déplacer dans l’eau, et d’abord de s’immerger. Pour cela il existe des lois physiques vérifiées et inévitables (gravité, poussée d’Archimède, lois des mouvements de Newton, …) ; ensuite comment le nageur pourrait solutionner ces différents problèmes qui se posent à lui ; puis, quelles situations proposer afin que le nageur découvre par lui-même la solution qui lui est la plus appropriée.
Ce qui va amener l’entraineur à développer une représentation « multi-sensorielle » et fonctionnelle de la technique, ainsi que de l’entrainement.
Cet entraineur va devenir un guide qui va accompagner le nageur dans sa construction.
En natation traditionnelle, ou classique pour nous palmeur, Raymond Catteau* utilise les termes : « principe de l’action de nager » plutôt que technique de nage.
*Raymond Catteau (professeur EPS, CTR natation, co-auteur avec G. Garoff de l’enseignement de la natation aux éditions Vigot, auteur de la natation de demain (2 éditions) éditions Atlantica, réalisateur des films Digne Dingue D’eau, et apprendre à nager avec marc Begotti, …
Principe de l’action de nager
Le principe : c’est la cause, l’origine, le fondement, la base d'un raisonnement, une loi vérifiée par l'expérimentation, une règle, une norme élément constitutif ou essentiel
Action : le fait d'agir ("en action"), l'acte réalisé, l’effet produit par l'acte, l’initiative
Nager : le déplacement dans l’eau
Le principe
Il est nécessaire de distinguer le concret du réel
Ce qui est concret : je vois tous les jours le soleil tourner autour de la Terre ! mais c’est une illusion.
Ce qui est réel : la Terre tourne sur son axe et autour du soleil.
Alors comment passer du concret (ce que je vois) au réel (qui a une existence indépendante de la représentation que je me fais) ?
En passant des apparences à la cause qui les produit ceci va m’imposer un travail de « formalisation », de théorisation, de construction d’un modèle explicatif : le « modèle virtuel ».
L’action
Il est impératif à ce niveau de différencier le mouvement de l’action.
« les mouvements ne sont que les aspects visibles des actions » H. Wallon.
« les actions sont des systèmes de mouvements coordonnés en fonction d’un but ou d’un résultat » J. Piaget.
Nager
Déplacement en milieu aquatique.
Mutation
Se déplacer dans l’eau induit la déconstruction de nos références terrestres :
Sur terre notre support est solide et les appuis sont solides, dans l’eau notre support nous enveloppe et les appuis sont fuyants ;
Sur terre l’avant est devant nous, l’arrière dans notre dos, dans l’eau l’avant est dans l’axe de la tête et l’arrière dans celui des pieds, le dessus dans le dos et le bas coté ventre !
L’équilibre statique dans l’eau empêche la respiration.
Ceci implique une déconstruction de l’Être terrien pour reconstruire un Être aquatique.
Cette reconstruction devrait se faire en 3 étapes essentielles : celle du corps flottant ; puis du corps projectile et enfin du corps propulseur.
Le corps flottant
Consiste a accepter l’immersion totale, la perte des repères terrestres de façon à pouvoir réaliser l’« étoile de mer » ventrale et dorsale.
Ceci correspond au « Sauv-nage » de l’ENF et devrait être acquis lors de l’arrivée en club, au minimum.
Le corps projectile
J’utilise comme image la « flèche de Robin des Bois » elle est longue, rigide et possède une pointe de façon assurer une pénétration efficace.
Nous retrouvons à ce stade le gainage, l’(hyper)extension ainsi que le triangle tête, bras, épaules que nous connaissons si bien en monopalme.
Les caractéristiques :
•Indéformabilité
•Alignement de l’axe du corps sur l’axe de déplacement
•Immersion
•Gouvernail de profondeur principalement.
Le corps propulseur
Les caractéristiques :
Point d’application : centre géométrique de la masse d’eau mobilisée par la pale (main/avant bras, voilure de la palme, des palmes)
Intensité : elle dépend de la puissance dont dispose le nageur
Direction : La pale orientée pulse la masse d’eau dans la direction du déplacement
Sens : inverse du sens de déplacement du nageur
Durée : celle du déplacement de la pale
Les outils du corps propulseur :
Pale : main, avant-bras; voilure de la palme
Manche : bras, épaule; cuisse, jambe, tronc
Moteur : systèmes musculaire, nerveux, sanguin, filières énergétique, …
Traction-propulsion :
Traction : actions propulsives générées surl’avant du corps jusqu’à la limité des épaules pour le tirer.
Propulsion : actions exercées sur l’arrière du corps afin de le pousser.
Modèle virtuel
« Pour l’entraîneur de natation il est donc fondamental de s’appuyer sur une analyse théorique « des principes » qui permettent de limiter les résistances et de se projeter efficacement vers l’avant dans l’eau. « Le modèle théorique du nageur » aura aussi l’avantage parce qu’il est fonctionnel et non pas descriptif d’échapper aux apparences que sont les mouvements (une description chronologique des mouvements réalisés par les meilleurs nageurs n’est pas un modèle théorique). » Marc Begotti, CTR natation Dauphiné-Savoie
C’est une trame, une grille, à travers laquelle je regarde mon nageur et qui laisse apparaitre les différences, les corrections à effectuer.
Cette représentation virtuelle utilise les systèmes visuels, kinesthésiques et sensoriels de la « technique », à différencier du style (personnalisations propres au nageur respectant toute la technique) suivant les capacités de l'entraineur.
Il se construit grâce à l’analyse théorique « des principes » qui permettent de limiter les résistances et de se projeter efficacement vers l’avant dans l’eau, avec l’apport de l’imagination, l’expérimentation personnelle de l’éducateur et ses connaissances intellectuelles de l’activité.